Les hétéros aiment-ils vraiment les femmes ?
Réflexions sur l’affect masculin dans une société patriarcale
Tout est parti d’une vidéo de Kiddy Smile : Et si les hommes hétérosexuels n’aimaient pas les femmes ?
Pas au sens de la haine, ni même du mépris explicite. Mais au sens de l’incapacité à considérer les femmes comme des sujets entiers, des personnes complètes, au-delà de leur fonction dans leur vie. C’est ce que j’ai exprimé dans un commentaire devenu le point de départ de cette réflexion :
"Dans une société patriarcale, les hommes hétérosexuels n'aiment pas réellement les femmes en tant qu'êtres humains complets. Leur rapport aux femmes est souvent utilitaire : sexuel, domestique, reproductif ou statutaire. Mais leur véritable investissement affectif, émotionnel et même existentiel se tourne vers d'autres hommes. Lorsqu'ils 'flexent dans le miroir' à la salle, ce n'est pas tant pour séduire les femmes, mais pour être validés par le regard des autres hommes. Être perçu comme puissant, désirable, compétent, dominant, dans le cadre du regard masculin."
Les réactions à ce message ont été nombreuses. Certaines indignées. D’autres interpellées. Mais plusieurs ont exprimé un malaise profond : celui de se sentir mis en accusation, mal compris, voire même diabolisé. L’un des commentaires récurrents était celui d’hommes se sentant blessés, rejetés ou réduits à des stéréotypes. Certains disaient : "On veut juste comprendre, discuter. Pourquoi nous accuser d’emblée d’être misogynes ou pires ?"Ce genre de renversement rhétorique est courant. Il déplace la discussion du plan structurel au plan émotionnel individuel. Mais à aucun moment il n’a été question d’accusations personnelles. Les faits, eux, sont collectifs et documentés :
Les chiffres ne mentent pas : violences et inégalités
En France, 1 femme sur 7 a déjà subi un rapport sexuel forcé.
1 femme meurt tous les 2,5 jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon (Ministère de l’Intérieur, 2022).
94 % des auteurs de violences sexuelles sont des hommes (INED, 2020).
1 femme sur 3 déclare avoir été harcelée sexuellement au travail (HCE, 2023).
Le patriarcat n’est pas une idéologie abstraite, c’est une structure sociale qui organise les rôles, les désirs, les affections. Ce n’est pas tant que les hommes détestent les femmes : c’est qu’ils ont été socialisés à ne pas les aimer comme leurs égales. On leur apprend à rechercher chez elles un confort, un statut, une validation, mais rarement un miroir d’humanité.
Exemples :
Quand l’amour devient utilité : les 4 fonctions patriarcales
Utilité Sexuel ou la femme est vue principalement comme un objet de désir et de satisfaction sexuelle : la culture du “body count”, où les hommes se vantent du nombre de femmes qu’ils ont « conquises ».
Utilité Domestique ou la femme est la gestionnaire invisible de la sphère privée : les expressions comme “derrière chaque grand homme, il y a une femme” — la femme réduite à un rôle de soutien.
Utilité Reproductif ou la femme est un ventre, une génitrice : les discours politiques autour de la baisse de natalité où le rôle des femmes est ramené à faire des enfants pour “sauver la nation”.
Utilité Statutaire ou la femme devient un objet de prestige social utilisée pour signaler un certain statut, une réussite, une appartenance sociale ou raciale : les hommes noirs, notamment sportifs ou célébrités, qui choisissent délibérément une femme blanche pour signaler leur ascension sociale.
Lorsque certains hommes, face à ce constat, exigent des statistiques pour valider notre parole, nous les leur offrons. Lorsque d’autres nient notre expérience au nom de leur propre perception, nous leur opposons les faits. Et lorsque les mêmes refusent d’entendre que le système les avantage objectivement, ils confondent égalité de traitement et blessure d’ego. La véritable réflexion que nous posons est la suivante : que signifierait, pour un homme hétérosexuel, d’aimer une femme en dehors de toute fonction, de toute utilité, de toute performance ? Non pas comme mère, amante, confidente ou fierté, mais comme sujet libre.